Iván GARCIA
Guitariste baroque

Iván a reçu une bourse pour reprendre son cursus de guitare baroque à l'Université de musique de Trossingen ainsi qu'une aide financière pour l'achat d'une nouvelle guitare.

Quel est votre parcours artistique ?
Je viens de Bogota, un endroit vraiment spécial où toutes les cultures du pays interagissent dans une grande métropole. J'ai commencé la musique à l'âge de huit ans, avec mes études musicales au Conservatoire de l'Universidad Nacional de Colombia. Pour diverses raisons, j'ai commencé par le piano car il n'y avait pas de programme officiel de guitare classique à cette époque. Ma relation avec la guitare consistait principalement à jouer des chansons avec différents musiciens qui se concentraient sur la musique folklorique colombienne. Après un certain temps, j'ai réalisé que la guitare était l'instrument dont je voulais jouer et j'ai donc considéré mes études de piano comme un moyen de compléter mes connaissances musicales. J'ai appris la guitare classique par moi-même, en utilisant les connaissances que j'avais acquises à la fois dans le cadre de mes études de musique colombienne et de piano au conservatoire. J'ai fini par suivre le programme de guitare de premier cycle avec Iréne Gomez et Pedro Ángel Ortega à l'Universidad Nacional. Pendant cette période, j'ai appris à jouer de tous les instruments à cordes pincées colombiens, ce qui m'a permis de développer de nouvelles compétences pour améliorer mon interprétation de la guitare. En 2014, j'ai commencé mes études de master en Allemagne avec Andreas Grün à la Musikhochschule Trossingen. Simultanément, j'ai commencé à étudier la musique ancienne avec le professeur Rolf Lislevand (un des plus importants spécialistes de tous les temps dans ce domaine), en me concentrant sur la guitare baroque. Au cours de ma carrière, j'ai eu l'occasion de jouer avec les plus grands ensembles de musique colombienne ; et grâce à cela, j'ai pu enregistrer l'album Inédito en 2014, qui est considéré comme un jalon important dans l'histoire de la musique colombienne. En tant que soliste, j'ai également enregistré un autre album, après avoir remporté le premier prix et le prix du public au concours national de guitare "El Nogal". En 2016, j'ai eu la chance d'enregistrer un autre album à la guitare baroque, parrainé par la Musikhochschule Trossingen. 

Quel regard portez-vous sur votre profession aujourd'hui ?
Je suis vraiment convaincu que le manque d'éducation artistique a été un réel problème dans notre société. Je veux dire que lorsqu'un être humain est proche de l'influence de l'expression artistique, il ou elle développe une nouvelle façon de voir la vie, en fait, on développe une façon de vivre complètement différente.  Des choses qui étaient auparavant négligées ou considérées comme insignifiantes peuvent devenir discernables ou même transcendantes. Par exemple, le simple fait de prendre le temps d'apprécier le paysage qui nous entoure peut se révéler être un moment unique pour chacun. La musique fait alors partie de cette nouvelle façon de comprendre notre société. En fait, nous pouvons démontrer, diffuser et apprendre sur nos cultures par le biais de la musique, ce qui nous amène à un niveau de compréhension différent. La musique m'a appris que chaque personne qui m'entoure est unique et extrêmement précieuse. Si l'on comprend cela, cela créera automatiquement une atmosphère de respect et d'amitié. Ensuite, on peut développer une nouvelle communauté, basée sur l'honnêteté, la solidarité et le respect des autres. En tant que musicien de la première heure, j'essaie de transmettre le message de la réflexion sur toutes les grandes choses que l'humanité a développées au cours de l'histoire. Parfois, nous possédons une quantité énorme de développements technologiques, d'informations ou de compétences, mais nous ne parvenons pas à résoudre les simples problèmes de la vie quotidienne. La musique ancienne tente de montrer de façon humble, combien nos relations avec les autres sont précieuses, ou combien il est important de ressentir quelque chose d'honnête en soi, en laissant de côté les égos (le désir d'impressionner un public ou un jury, etc.) et enfin de communiquer avec soi-même ou avec une autre personne. Vous apprenez donc que chaque répétition, cours, "concert" ou représentation est une occasion unique de créer quelque chose d'unique et de spécial.

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
Je souhaite vraiment réaliser mon rêve d'une "performance complète" sur scène comme un objectif à court terme. Cela signifie combiner différentes formes d'expression artistique au cours d'un même concert. Mon idée est d'interpréter de la musique ancienne (en particulier la musique populaire du XVIe siècle en Espagne, en France et en Italie), mélangée à de la musique folklorique colombienne et d'autres musiques sud-américaines. En même temps, la danse et le chant doivent faire partie du spectacle, en prenant tous les ingrédients de cette musique presque inconnue. D'autre part, mon travail s'est concentré sur deux grands domaines. Premièrement, je veux être un artiste qui aide et développe un nouveau type de musicien dans mon pays (c'est-à-dire des musiciens qui veulent vraiment transmettre un message honnête en tant qu'artistes et essayer de créer des opportunités dans leurs communautés). La première étape à franchir est de donner des opportunités aux étudiants qui n'ont pas les moyens de payer leurs études. Si je peux être le pont entre ces deux parties, mon travail n'est pas seulement significatif "sur scène", mais il fait aussi une différence dans le monde extérieur. Enfin, la diffusion de la musique colombienne dans le monde entier est l'objectif de ma vie. Je viens d'un pays dont la musique est pleine de couleurs, d'expression et de richesse, en raison du mélange des cultures au cours de son histoire. En tant qu'artiste colombien, mon devoir est de jouer cette musique avec le plus grand engagement et la meilleure qualité possible. Partout où je donne un concert, le public doit emporter chez lui un petit échantillon de ma culture. Je ferai en sorte que les gens du monde entier connaissent mon pays pour sa belle culture et sa splendeur.

 

Interview réalisée en 2018
Photographie : Céline Anaya Gautier