Aurélia LUSCHER et Guillaume CAYET
Metteurs en scène

Aurélia et Guillaume ont reçu une aide à la production pour leur spectacle Babar.

Quel est votre parcours artistique ?
Aurélia :
j’ai grandi à Genève dans une famille d’acteurs et j’ai toujours voulu faire du théâtre. J’ai eu une période d’hésitation dans laquelle j’ai décidé de m’orienter vers la thanatopraxie. Mais au moment où j’allais laisser tomber le théâtre, je suis entrée à la comédie de Saint Etienne. C’est pour ça que pour moi, le rapport au vivant et au concret doit être très important au théâtre. C’est pour moi un rituel : le rituel du vivant sur la mort. Le théâtre, c’est la vie au travail.

Guillaume : j’ai grandi dans les Vosges. Je n’ai pas trop de parcours. J’ai été marqué par la forêt, par le théâtre amateur, par la sensation d’être toujours à la périphérie. Et puis j’ai rencontré la faculté, le théâtre universitaire, et puis l’écriture, et puis l’Ensatt, et puis Gabily, et puis Kroetz, des auteurs comme ça, et puis des penseurs. Je crois que mon parcours est avant tout fait de dérives que d’autre chose.

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre profession ?
Il y a plusieurs courants dans notre profession, et aujourd’hui le courant dominant (celui de la mode, de l’idéologie bourgeoise, du divertissement) est bien trop majoritaire. La dissidence n’est plus à l’ordre du jour. Aujourd’hui, le théâtre s’exclut trop du fait politique, auto-centré et auto-référencé autour de sa seule caricature. Il faut découvrir les nouveaux talents, l’émergence, il faut estampiller du sceau de “nouvelle découverte“. On reproduit le modèle sociétal que nous critiquons. Tout se passe à Paris. Tout se passe avec des hommes, blancs. Tout se passe avec des directions, avec des grandes lignes, tout se passe avec des manifestes marchandisés. Trop peu de pensées pour beaucoup trop de pensifs vides. Tout se passe dans l’idée d’un public fantasmé. La profession meurt de sa sclérose. Etre concret. Voilà ce que nous voulons. Mais comment être concret sans rapport à la terre ? Sans rapport à l’autre ? Sans rapport au monde ?

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
Nous allons déjà essayer de nous «voir» demain en comprenant comment hier nous étions, essayer d’apprendre d’hier. Il nous parait impossible de déterminer l’histoire. Nous ne pouvons que postuler que nous serons mués par celle-ci et que notre place dans 5 ans, dans 10 ans, sera en grande partie indépendante de nous.

 

Interview réalisée en 2017
Photographie : Antonin Amy-Menichetti