Jesús NOGUERA GUILLÉN
Claveciniste

Jesús a reçu une bourse pour acheter un clavecin et pour suivre ses études au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris .

Quel est votre parcours artistique ?
Aujourd’hui, je me retrouve pleinement dans mon métier qui me met en lien de manière constante et directe avec une sorte d’intrahistoire qui me captive, une partie occulte du passé qui est, cependant, aussi vivante que celle que l’on raconte dans les livres. J’aime à penser que mon parcours a commencé très tôt et en dehors de la musique : c’est sûrement grâce aux nombreuses promenades avec mes parents à Orihuela, en Espagne, qu’une certaine sensibilité esthétique est éclose. Me retrouver tantôt devant un tableau de Velázquez, tantôt devant une chapelle baroque ou immergé dans un bâtiment d’Alberto Campo Baeza, c’est une opportunité qui m’a certainement permis d’entrevoir le chemin de la quête artistique. Mon premier contact avec le clavecin n’arrive qu’à 18 ans, pendant la dernière année de mes études de piano au conservatoire municipal et mon baccalauréat scientifique qui devait me conduire vers des études de chimie. Un an et demi après je suis reçu dans la classe d’Olivier Baumont au Conservatoire de Paris et je quitte l’Espagne. J’y obtiens par la suite une licence, un master de clavecin et basse continue et le prestigieux Diplôme d’artiste interprète. En 2017, je suis lauréat du Concours International de Clavecin de Milan. Parallèlement à la pratique instrumentale et afin d’élargir mon approche de la musique, j’obtiens une licence et un master de musicologie à la Sorbonne où je fais une recherche sur la musique pour clavier du Siècle d’or espagnol. L'intérêt que je porte à d’autres formes d’art m’amène à participer fréquemment à des productions de théâtre, de danse et de cinéma. Je soulignerais mes collaborations avec le cinéaste Pierre Nativel (L’Entretien des Muses, Les Trois Mains et Les Ombres Errantes) et un de mes enregistrements dans le court-métrage canadien primé La nouvelle française. Souhaitant explorer les possibilités sonores du clavecin, je m’intéresse aussi à la création contemporaine ; j’ai enregistré les Tres preludios para Demócrito d’Alex Nante et les Diferencias sobre el canto del caballero de Joan Magrané Figuera. Enfin, des événements enthousiasmants comme la sortie de mon premier album, Soledad Sonora, et la création d’un ensemble ont marqué ces derniers mois.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre profession ?
Grâce au travail acharné d’interprètes et facteurs – d’authentiques pionniers ayant retrouvé des techniques de jeu et des méthodes de fabrication perdues au cours du XIXe siècle – le clavecin est à nouveau un instrument expressif qui touche le public (si loin de nous se trouve la célèbre description qu’en faisait le chef d’orchestre Sir Thomas Beecham !). Le clavecin s’est montré capable de révéler, sous une nouvelle lumière, tout un répertoire pour clavier allant du XVIe au XVIIIe siècle. Paradoxalement, cette musique si éloignée de notre temps, est devenue, grâce à l’approche «historiquement inspirée» (qui allie l’usage d’instruments d’époque à des réflexions sur l’interprétation issues de textes théoriques contemporains aux pièces) complètement actuelle. De même, l’essor de cet instrument est mis en évidence par l’intérêt qu’il suscite chez les compositeurs d’aujourd’hui.

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
J’ai l’espoir d’être toujours habité par la curiosité.

 

Interview réalisée en 2019 et mise à jour en 2021
Photographie : Amandine Besacier