Cédric DJEDJE
Metteur en scène

Cédric a reçu une aide à la création pour son spectacle Vielleicht 

Quel est votre parcours artistique ?
J’ai commencé le théâtre au début de la vingtaine, au départ c’était un passe-temps en parallèle de mes études de psychologie (deux-trois heures par semaine). Puis je me suis pris de passion pour le jeu et cela à pris de plus en plus de temps dans mon emploi du temps. J’ai pris des cours au Conservatoire du 7ème arrondissement (une dizaine d’heures) puis au Studio Théâtre d’Asnières( une vingtaine d’heures) puis à la Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande à Lausanne (une trentaine d’heures) et cela fait maintenant une dizaine d’années que je suis comédien professionnel en Suisse et en France. Je fais essentiellement du théâtre mais j’ai aussi joué dans deux séries (Helvetica et Hors-Saison) et un film (Fauves). Enfin dans ma pratique, j’essaye de me réfléchir/d’expérimenter autour de la notion de collectif. En initiant des projets comme Vielleicht avec la compagnie Absent.e pour le moment (dont l’équipe est vraiment géniale et dont il me semble important de citer les noms : Noémi Michel, Diane Muller, Juline Michel, Joana Oliveira, Nathalie Anguezomo Mba Bikoro, Ludovic Chazaud, Safi Martin Yé, Lionel Perrinjaquet, Tara Mabiala, Ivan Larson ) et en faisant partie d’un collectif qui s’appelle le Collectif Sur Un Malentendu.
Ps : Pour celleux que ça intéressent ou qui trouvent que l’information manque, j’ai abandonné les études de psychologie quelque part entre le Studio Théâtre d’Asnières et la Manufacture.

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre profession ?
Je suis actuellement traversé par des sentiments contradictoires quant à ma profession. Je voudrais expliciter ce que je veux dire en me focalisant sur la Suisse romande, mon lieu de pratique théâtrale. Touché de plein fouet par la pandémie et sa gestion, j’ai l’impression que le milieu théâtral est dans un moment de questionnements intenses quant à sa place, son « utilité » et son rapport aux récents bouleversements societaux. Conséquences de ces différents éléments, certaines questions ont gagné en intensité : Comment trouver de nouvelles façons de faire politique plutôt que de se penser automatiquement politique parce qu’artistes ?  Comment réinventer le rapport au politique hors de la scène ? Comment défaire les rapports de production hiérarchiques ? Comment garantir le soin (corporel et psychique) au travail ? Comment mettre en place des outils de détection et de lutte contre les comportements toxiques ? Comment lutter contre les différents types de harcélements dans le milieu ? Loin de rester au stade des bonnes intentions, ces questions ont débouché sur des tentatives et des initiatives concrètes. Je me sens vraiment aligné avec ces questionnements et les différentes mises en applications ou tentatives de mise en application. Cependant, je constate aussi un manque criant de diversité ethnique sur les plateaux, comme un rendez-vous pas encore vraiment pris avec les  mobilisations politiques telles que Black Lives Matter. Pour le dire autrement, je trouve que les choses bougent très lentement et que les imaginaires peinent à se décoloniser. Mais il y a quand même du mouvement, notamment du fait de l’action conjugée de puissantes créations scénique d’artistes afrodescendant.es (Safi Martin Yé, Kayije Kagame, Ramaya Tegegne, Soraya Lutangu pour ne citer qu’elles) d’initiatives telles que la lettre ouverte des Black artist and cultural workers in Switzerland ou encore d’une nouvelle générations d’artistes plus sensibles et éveillées sur ces questions (et bien sûr de quelques artistes d’autres générations).

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
Tout d’abord, je me vois continuer ce métier avec le Collectif Sur Un Malentendu ! Ensuite, j’espère continuer ce métier en faisant partie de plus de collectifs ou de formes d’organisations collectives qui interrogent les modes de production et d’organisation. Je me vois continuer dans /avec des collectifs ou des formes collectives qui font dialoguer disciplines artistiques et disciplines théoriques (théories politiques critiques, théories postcoloniales, sociologie, histoire…). Enfin, dans 5 ou 10 ans, je me vois expérimenter dans des collectifs ou des formes collectives qui questionnent ou tentent de trouver de nouveaux espaces de représentations, des collectifs ou formes collectives dont les compositions sont plus diverses en termes d’origines (sociales et ethniques).

Interview réalisée en 2022
Photographie : Julie Glassberg